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Photo du rédacteurKemi Outkma

Interview de Kemi Outkma 2/03/2020

Juste après la première de Histoire véridique de Robin des Bois, le comptable et juste avant le début du confinement, une étudiante de mes amies m'a proposé de m'interviewer pour un travail sur le métier de comédien dans le cadre de ses études supérieures. Je lui ai bien précisé que je n'étais sûrement pas le bon profil pour répondre à ses attentes mais elle m'a rassuré en me précisant que nous serions plusieurs à répondre à ses questions et qu'elle en ferait une synthèse.

J'ignore si je lui ai été d'une aide quelconque, je ne suis pas sûr d'avoir bien répondu et je n'ai aucune idée de ce qu'ont répondu les autres, mais l'échange était sympa, le moment précieux et je n'étais pas encore privé de scène et de vous...

alors voici notre dialogue en entier, bonne lecture et bon vent à toutes et à tous

K.O.


Interview Comédien

Kemi Outkma, le 2 mars 2020


A : Bonjour ! Comment tu vas ?

KO : Bonjour ! Et bien ça va, comme quelqu’un qui a joué samedi soir et qui a un peu fait la fête après mais sinon ça va.

A : [rire] Fatigué… Bon, je t'ai invité à cet interview dans le cadre de ma Licence 2, Lettres, Cinéma, Théâtre et danse. Pour le Projet Professionnel de l'Etudiant, je dois interroger plusieurs professionnels pour parler du métier de comédien. On va peut être commencer par « présente-toi ».

KO : Dans le cadre de cet interview donc c’est Kemi Outkma, je suis comédien et écrivain/auteur, metteur en scène même à l’occasion ! Depuis une bonne quinzaine d’années maintenant, enfin principalement dans l’écriture, j’ai repris le chemin du théâtre plus récemment. J'ai été initié à 18 ans, j’ai joué jusqu’à 20 ans puis très longue trève. J’ai repris le théâtre depuis 2015 et de façon professionnelle, spectacles solos, depuis décembre 2017.Et là, je présente mon second seul en scène.

A : [rire] Faisons la promo tant qu’on y est !

KO : Voilà c’est ça, je le glisse un peu… [rire]

A : Non mais vas-y on est là pour ça aussi, je suis tout à fait pour !Donc les débuts, on est d’accord que, à la base quand tu as commencé, c’est parce que tu aimais le théâtre, enfin on t’a pas forcé… Pourquoi le théâtre et les débuts ?

KO : Absolument pas, en plus c’est dans un cadre de l’école, en BEP donc en filière professionnelle, vraiment rien à voir avec le théâtre, absolument pas ; j’avais un ami très proche qui lui était mordu de théâtre. Il avait monté plusieur pièces dans le cadre scolaire et à la fin de la première année je suis allé voir le spectacle et là, je me suis dit « punaise mais ils ont l’air de prendre un pied comme jamais !»; donc l’année d’après je me suis inscrit et on a monté trois pièces dont une pièce qu’il avait écrite lui-même et qu’ensuite on a fait tourner en extérieur. De là il a monté sa troupe, il m’a pris un petit peu sous son aile, c’est lui qui m’a initié, on a monté Le Dindon de Feydeau, on a monté Cyrano de Bergerac, enfin on a tourné pendant 2 ans comme ça en indépendants ; et puis on s’est fâché comme des cons... Mais donc je suis arrivé vraiment par hasard au théâtre j’avais même plutôt un a priori, je suis pas très scolaire et à l’école malheureusement... à part Les Fourberies de Scapin... que généralement en plus on t’amène voir faits par une troupe qui a réussi à avoir des contrats avec l’Éducation nationale mais qui est peut-être pas forcément ce qui faut non plus pour présenter du Molière et surtout le rendre intéressant et vivant à des élèves. Donc j’avais cette image très poussiéreuse, très chiante du théâtre, et c’est quand j’ai vu des potes s’éclater dessus que je me suis dit que non non, il y a un truc quoi !

A : « En fait c’est bien ! »

KO : Et voilà, et après les planches, et bien les planches une fois qu’on est dessus je crois que tu sais un peu de quoi je parle, ça marche ou ça ne marche pas mais quand à peine on y met les pieds on a le sourire qui arrive jusqu’aux oreilles bon ben voilà. Après faut pas se mentir c’est qu’une histoire de plaisir.

A : Voilà c’est ça, je cherchais le point de départ ; donc oui t’as eu des troupes, t’as tourné dans pas mal de troupes finalement, depuis 15 ans du coup, l’Académie…

KO : Oui oui depuis mon retour en 2015 dans plusieurs formations différentes mais principalement en amateur. En pro ou semi pro uniquement tout seul pour l’instant, pas parce que je n’ai confiance en personne, pas du tout mais parce que l’occasion ne sait pas encore trouvée mais c’est en cours de discussion donc voila j’espère bien avoir des duos à présenter bientôt.

A : On espère !

KO : On espère !

A : Donc on va passer maintenant à comment tu définirais le métier de comédien : concrètement qu’est ce qu’on fait, les aspects pratiques donc les conditions de travail, les horaires… C’est une grosse question.

KO : Oui c’est une question très large, qui est très perso... c’est un peu le but de l’interview tu me diras, c’est con ce que je dis... mais c’est dur de tirer des généralités là dessus, je sais pas… Déjà c’est beaucoup beaucoup de lectures, peut-être, même en amont, ça détermine peut être un tempérament avant même le travail peut-être, je sais pas... parce que lire des pièces, choisir des pièces, il faut déjà dès la lecture commencer une interprétation, savoir si on va être capable de se glisser dans le texte, de défendre la pièce, voir si on en tire aussi un peu l’essence, les thèmes… Parce que pour moi jouer c’est pas juste jouer quelqu’un, une pièce c’est avant tout une œuvre littéraire donc elle défend quelque chose, elle a des choses à dire... et voilà il faut jouer au service du texte c’est ça aussi le truc donc concrètement, oui c’est beaucoup de lectures... Après c’est beaucoup de répètes bien entendu et alors c’est là où moi je fais peut être une différence entre comédien et acteur, je crois que comédien ça demande aussi un gros travail de vacuité.

A : Je ne sais pas ce que ça veut dire.

KO : De disponibilité. C’est à dire se mettre à disposition d’un personnage, et ça c’est un vrai job et je crois que c’est un job au quotidien. C’est un job quand on s’attaque à une pièce, mais c’est peut être un job sur soi au quotidien aussi, savoir à quel moment on donne de soi ou pas, ou le rapport à l’objectivité. Et après les parties moins drôles de comédien c’est tout ce qui est démarchage, tout ce qui est administratif… Après ça dépend comment on est entouré, moi j’ai la chance d’être très très bien entouré, mais on peut avoir tout le travail technique aussi, sur le plan feux notamment, ou le son, ça peut demander des ressources qu’on a pas forcément soi-même parce qu’il faut du matériel donc si il faut l’emprunter, si il faut le louer,… Enfin voila, c’est vrai qu’on y pense pas souvent mais, pour monter un spectacle, il y a effectivement tout le travail de comédien qu’on voit, qu’on comprend, auquel on s’attend : la lecture, la répet’ et tout ça. Puis il y a tout le travail pour le rendre concret et ça c’est aussi très lourd et très contraignant et surtout très chronophage, ça prend beaucoup beaucoup de temps aussi, mine de rien.

A : On va passer aux questions un peu plus pénibles, par rapport aux conditions de travail donc les horaires, puisque c’est dans le cadre « étudier un métier » mais comédien c’est pas n’importe quel métier et c’est pas un métier où on a des horaires bien définis, et par rapport à l'argent c’est pas le même rapport non plus donc on va parler de ça maintenant si tu veux bien.

KO : Oui bien sûr, alors bien entendu, dans mon cas, les horaires ça n'existe pas. Moi souvent quand on me demande mon métier en fait vu que je regroupe deux, trois trucs je dis « artisan de la culture ».

A : C’est beau !

KO : Mais parce que je pense qu’on est des artisans comme les autres, on a peut être pas la même matière première ou le même domaine d’activité, mais on a le même fonctionnement, c’est-à- dire que si on travaille pas on gagne pas d’argent, forcément, et quand on travaille on en gagne pas beaucoup, comme un artisan [rires]. Comme un artisan on passe beaucoup de temps à chercher des chantiers etc, bon voila le rapport est le même, et de la même façon non on n'a pas de congés payés, on a pas de dimanches, en tout cas pas arrêtés, mais rien ne nous empêche si un jour on en a pas envie de ne pas le faire. Mais c’est plutôt tous les jours qu’on doit travailler [rire] Mais si on n'aimait pas on ne le ferait pas il n’y a pas de plainte là-dedans ! Mais effectivement il y a une indépendance qui a pour prix de ne pas avoir ce côté un peu confortable et rassurant des congés payés, des week-ends... mais c’est un autre équilibre.

A : C’est la passion qui pousse !

KO : Et bien oui, après faut pas faire ce genre de job sans ça, j’ai peut être même l’impression qu’il n’y a aucun métier qu’il faut faire sans passion ou sens de la vocation personnellement. Mais là, vraiment parce que malgré tout, il faut souvent trouver des solutions alternatives pour manger quand même, c’est un fait, on peut en vivre c’est pas le problème, bon moi après je fais peut être pas tout ce qu’il faut pour, je sais peut être pas très très bien me vendre... c’est vrai que j’ai choisi de plutôt être autonome avec mon jardin et tout ça et justement de rester à coté de ça pleinement libre de ce que je fais. De ne pas chercher, de pas faire en sorte en tout cas d’avoir un statut, et de peut-être paniquer à l’idée de ne plus l’avoir ; avoir une autre approche du truc... ça me permet, je crois, de ne faire que des projets qui me motivent pleinement et justement pour lesquels, quand c’est le moment, s’il faut faire une semaine de 60 heures alors qu’on est pas sûr de toucher un seul euro à la fin, et bien je peux le faire parce que ce qui me motive ce n'est que l’amour du travail bien fait, parce que le projet tient la route.

A : Donc toi t’es loin des cachets, de Pôle Emploi et tout ça donc.

KO : Oui et non, je fais des déclarations GUSO c’est le Guichet Unique du Spectacle Occasionnel mais n'étant pas intermittent du spectacle, mes liens avec Pôle emploi s'arrêtent là. donc c’est pour ça aussi que je dis « artisan de la culture », 50 % de cotisations sociales et pas d'allocation chômage, comme un artisan.

A : D’accord, bon il y avait la question « où tu travailles ».

KO : Eh bien partout où on veut de moi en fait, donc pour l’instant avec le précédent seul en scène, principalement dans le Sud-Ouest, et j’avais eu quelques dates dans un petit théâtre parisien dans le 18e. Ça a été une expérience très chouette et qui va peut-être se reproduire avec Histoire Véridique de Robin des Bois, le Comptable, ce qu’on espère.

A : On espère aussi. Est-ce que tu as choisi de faire ce métier dans le Sud-Ouest, vraiment précisément ici, parce qu’on sait bien que ce n'est pas vraiment ici, c’est plutôt dans les grandes villes qu’il y a du travail ; on s’imagine en tout cas.

KO : Et bien oui et non, je pense que c’est d’ailleurs peut-être un peu une idée reçue. Je suis revenu au théâtre de part mon arrivée dans le Gers, j’étais déjà dans le Sud-Ouest mais j’étais dans le Tarn avant, où l’activité théâtrale était quand même bien moindre que ce que j’ai trouvé dans le Gers. Non pas l’activité culturelle mais l’activité théâtrale, il y a peut être plus de concerts, je ne vais pas comparer un département à l’autre, bref. Mais donc moi je suis revenu au théâtre par l’Académie, bien entendu.

A : Je précise l’Académie Médiévale et Populaire de Termes d’Armagnac, parce que tout le monde ne connaît pas l’Académie malheureusement.

KO : Pas encore mais bientôt ! Donc vraiment je suis revenu au théâtre par plaisir, par l’Académie, par le théâtre amateur etc. Et quand j’ai décidé de remonter des spectacles, de repartir en pro... ou semi-pro, je l’ai fait quand même parce que j’ai vu que dans le Sud-Ouest il y avait, dans le Gers et dans le Sud-Ouest plus élargi, le 65 etc, un vrai réseau de théâtre amateur et professionnel qui était existant, et auprès de qui je pouvais proposer mes spectacles parce que, effectivement, monter un spectacle et avoir personne à qui le proposer c’est un peu…

A : C’est dommage…

KO : Dommage et frustrant. Mais pour revenir à la comparaison avec la ville, effectivement il y a peut être plus d’opportunités de proposer son spectacle, mais j’ai pu le voir notamment avec les dates que j’ai pu faire à Paris, le problème aussi c’est que la ville chaque jour propose énormément de choses. Et les gens ne peuvent pas aller partout, donc finalement, dans une salle des fêtes gracieusement prêtée par son maire, on arrive, dans un petit village gersois de 120 habitants, à faire venir 60-70 personnes, et ça c’est magique ! [rire] Quand on a de petits théâtres comme le Pixel où j’ai joué, la jauge n'est que de 38 et pourtant difficile à remplir parce qu'il existe au moins 400 autres trucs aussi intéresssants voire davantage en même temps! Et quand bien même elle soit pleine, ce qui est beaucoup moins facile à obtenir encore une fois en ville qu’en campagne, on aura 38 personnes.

A : Après ça fait plaisir d’avoir une salle pleine.

KO : L’énergie c’est toujours pareil, 50-70 personnes c’est génial, c’est une énergie folle, on a presque le temps de regarder chaque membre du public dans les yeux, c’est fabuleux !

A : T’es content d’être dans le Sud-Ouest !

KO : Ah ouais ouais ouais, c’est un format qui me va très bien !

A : Bon ! Donc on va passer aux questions de « profil » : qu’est-ce qu’il faut pour être un comédien ? T’as parlé de la vacuité, la passion de la lecture et du théâtre en général, lire et tout ça, mais est-ce que t’as d’autres trucs à dire, à ajouter.

KO : Alors c'est là que je ne sais pas si j'ai une grande légitimité à m'exprimer sur ce qu'est, ou pas, « un comédien »... Mais bon... je pense que le piège du comédien, mais aussi de l’auteur, du musicien, … c'est toujours le même...la bonne idée, c’est d’être sincère avec soi même dès le début. On fait pas ce genre de métier sans une part de narcissisme, on se met pas comme ça devant des gens à chanter, ou à faire le guignol ou quoi que ce soit, on passe pas des heures à faire les 100 pas à apprendre un texte pour aller le dire devant des gens sans s’aimer un minimum et sans avoir envie que d’autres gens nous aiment autant qu’on s’aime soi-même. C'est ça la vérité et il faut être sincère avec ça pour éviter ce qui est le piège dans lequel on peut tous tomber très très vite, qui est le piège de l’égo. Et de là, commencer à se regarder travailler, à se regarder jouer etc, et aimer ce qu’on fait... je pense qu’il faut s’aimer pour bien travailler mais si on commence à aimer ce qu’on fait, à aimer son travail, je ne dis pas de s’autodétruire tout le temps « non ce que je fais c’est nul » c’est pas ça. Pas de fausse modestie non plus ! mais le piège c'est de commencer à ne plus être un élève, à refuser d’apprendre, se dire « c’est bon, je sais, je sais faire », je pense qu’à partir de là, pardon, mais on fait de la merde. Et dans ces cas là on est toujours le dernier à s’en rendre compte en plus ! C’est affreux ! C’est pour ça que je prie tous mes proches : « si jamais le vent souffle du mauvais côté, mettez moi des gifles mais me laissez pas me perdre ! », vraiment. Donc oui il y a ça, et les seules fois où à des spectacles moi j’ai reproché ça, c’est presque dans l’autre sens, je pense que quand on arrive à maîtriser complètement le spectacle, qu’il marche super bien, qu’on y est à l’aise et tout, faut en faire un autre. Il m’est arrivé d’assister à un spectacle qui était pleinement pleinement pleinement maîtrisé et j’ai trouvé qu’il manquait cette petite fébrilité qu’on ressent en tant que public ; la mise en danger est hyper importante aussi, constante.

A : De toute façon dans tout ce métier, dans tout le comédien, il y a de la mise en danger en fait.

KO : Oui enfin, « en danger », c’est pas un grand danger non plus ! [rire], t’es moins en danger qu’un maçon en haut de son échafaudage, quand même !

A : Oui, ou qu’un pompier ou autre chose c’est sûr ; mais la petite part de mise en danger du comédien c’est un truc qui revenait souvent dans les fiches métier, c’est pas stable quoi, mais même parce qu’on se connaît bien et que je fais du théâtre avec plein de gens et que je connais plein de gens dans ce milieu là, c’est pas un métier stable et il y a plein de « mises en danger » dans plein de domaines.

KO : Ah oui on travaille un peu avec la peur.

A : Un petit peu quand même. Du coup t’as quelque chose d’autre à ajouter sur le profil ? D’autres trucs qui te viennent en tête ? Qu’est ce qui pour toi est très très très important et qui fait la différence entre un comédien et un autre ?

KO : J’y reviens c’est l’humilité, qui n’est pas de la modestie j’insiste, l’authentique humilité, je pense que ça vaut pour tout dans la vie de tous les jours, rester un élève, rester un élève et continuer à apprendre et à se grandir. Ce sont d'ailleurs les seules personnes avec qui j'arrive à travailler d’une façon générale... et m’entendre et discuter... donc t’as vu depuis le temps qu’on discute c’est plutôt bon signe ! [rire]

A : Ça me va, c’est bon je suis rassurée ! Je voulais savoir parce que je me posais la question quand je faisais les questions. Forcément je pensais à toi pour les questions mais au-delà, qu’est ce qui fait que, par exemple toi tu as été choisi pour faire Renart dans la pièce Le Jugement de Renart [réécriture du Roman de Renart par François Grand-Clément, juillet 2019 à la Tour de Termes d’Armagnac, Gers], qu’est ce qui fait que telle personne et pas une autre.

KO : Alors sur Renart, je ne peux pas te répondre, il faudrait demander à François... mon anticonformisme peut-être ! [rire] Mais dans les projets qu’on a montés ensemble notamment, quand je me place à la mise en scène, ce qui m’est important surtout c’est l’humilité parce que c’est la malléabilité aussi du comédien et on revient à la vacuité, à sa capacité à pouvoir s’adapter à une vision aussi ; c’est le double truc c’est-à-dire qu’en tant que comédien on lit le texte, donc on s’en imprègne et on a une vision. On arrive avec une vision et il est important qu'on puisse quand même la modifier ou l'adapter en fonction de la vision du metteur en scène qui lui, voit les personnages mais il voit aussi toute la scène, toute la pièce. En tant que comédien, quand en tout cas on a un metteur en scène qui nous prend en charge, on est un peu un pantin, on arrive avec un personnage et le personnage nous habite complètement mais quand on voit ce personnage finalement, on en est en principe à ce moment-là dépossédé si on a bien fait le travail ; donc c’est là que c’est important d’être humble et malléable pour que le metteur en scène puisse faire son travail correctement et nous permettre de faire encore mieux les choses.

A : Et bien c’est très bien, je suis contente tu as répondu à ma question ! Il me reste en gros 2 questions mais tu as déjà plus ou moins répondu.

KO : Je suis très bavard c’est l’avantage. [rire]

A : C’est ça qui est bien c’est que tu arrives directement aux questions j’ai pas à les poser. J’avais une question : est-ce que t’as déjà fait autre chose que comédien mais du coup oui tu as fait de la mise en scène, mais tu as déjà fait de la technique du coup un peu, lumière, son, autre ?

KO : Non pas du tout ; je le dis j’ai la chance d’être très très bien entouré donc je n'ai jamais eu à me poser cette question, c’est une chance, c’est un privilège et j’en suis pleinement conscient, vraiment, parce que c’est encore un taff. Et alors pour revenir un petit peu sur le problème de l’argent, c’est aussi ça, c’est que un spectacle, on va avoir un cachet par comédien, un cachet par technicien, si on a un metteur en scène, on arrive vite à une enveloppe à 1000-1500 euros et il y a très peu d’organisateurs qui ont ça à risquer. C’est ça aussi qui est compliqué je pense dans le théâtre semi-pro, de pouvoir se montrer et aussi pour le public d’y avoir accès ; il n’y a que les gros organisateurs qui peuvent payer de gros spectacles, les entrées sont donc assez chères etc, et je trouve ça dommage. On est loin de ce que devrait être le théâtre à mon sens, quelque chose de populaire. Voilà, petite aparté… Mais tu fais bien parce que la technique et le démarchage, la communication on en parle très très peu souvent mais c’est énorme le temps et le travail que ça demande et l’énergie que ça sollicite, et quand on est tout seul ou même les troupes où on est que 3, c’est un travail de dingo, vraiment.

A : C’est pour ça, c’est peut être un peu bête, dans le sens que quand on imagine un comédien, on se dit « il fait du théâtre, il s’occupe du texte, il joue », très bien ; mais en fait, on le voit pour le semi pro et on est dans la même troupe, on a joué et travaillé ensemble, il faut savoir faire plein de trucs aussi et changer de casquette et faire « attends mise en scène, attends parce qu’en fait faudrait plutôt faire ça comme ça je pense » ou même de la technique, c’est pour ça que je posais la question.

KO: C’est là où, encore une fois, c’est de l’artisanat, c’est la même chose, l’artisan, le plombier quand il a fini son chantier il rentre chez lui, il fait des devis, il fait des factures, il commande des achats… C’est la même chose, il change de casquette, donc je tiens et je suis très fier de ma formule « artisan de la culture », je vais la déposer d’ailleurs ! [rire]

A : Je vais mettre de beaux guillemets, je vais faire ça bien t’inquiète pas ! [rire]

KO : Non mais vraiment parce que, sur la considération que la moyenne des gens peut avoir par rapport au métier de comédien, aux métiers du spectacle, même par rapport aux musiciens, ça pourrait aider de dire « bah non, ‘artisan de la culture’ parce que nous aussi on travaille, on travaille autant, on travaille pas la même matière première, mais on travaille autant »

A : C’est beau ce que tu dis ! [rire] Question flash : est-ce que t’as déjà fait du coaching, de la direction de comédien, juste ça.

KO : Non, j’ai dirigé quelques personnes, n’est-ce pas ?

A : Oui, je ne vois pas de quoi tu parles... [rire]

KO : Dont toi dans le cadre de projets qu’on a montés ensemble mais non.

A : Mais jamais exclusivement ça, mais même jamais exclusivement metteur en scène, en y repensant.

KO : Non mais désormais justement avec ces expériences qu’on a eu, notamment cette grosse expérience en septembre dernier, auteur, metteur en scène et comédien, c’est quelque chose que je ne ferai plus.

A : Ah oui ?

KO : Non c’est pas honnête, c’est pas honnête parce que c’est pas possible de faire les trois correctement à 100 %, en tout cas pour moi, donc c’est pas honnête pour le public, c’est pas honnête pour les comédiens, c’est pas honnête par rapport au projet, donc non ; donc justement s’il y a un autre projet comme ça, dans l’idéal je ne serai que metteur en scène.

A : OK, c’est bon à savoir. Du coup mes dernières questions t’en as déjà parlé. Les projets mais du coup septembre dernier pour Cazaubon [Gers], c’était quoi déjà le titre ?

KO : C’était Le Prince Noir s’invite à la fête, spectacle théâtral et équestre qui est une formule qu’on a développée quand même depuis un petit moment là aussi avec l’Académie Médiévale et Populaire de Termes dans le cadre de leur festival médiéval chaque année, premier week-end d’août ; et donc qu’on a exporté à Cazaubon en septembre dernier dans lequel tu as joué, n’est-ce pas ?

A : Oui c’était merveilleux !

KO : C’était une super chouette expérience, donc encore une fois dans ce cadre il y a eu un personnage que je trouvais super chouette et qui aurait été mieux joué par quelqu’un d’autre parce qu'avec 4 autres comédiens, 3 cavaliers, une vingtaine de combattants et une cinquantaine de figurants à évoluer dans des arènes devant 500 personnes, je n'ai pas réussi à pleinement quitté ma casquette de metteur en scène et donc à obtenir la pleine vacuité pour jouer. Après oui, des projets en découlent, j’ai mon seul en scène qui tourne, j’ai deux duos, un avec une comédienne professionnelle qui se dessine, qui est quasiment sûr mais on va attendre un peu pour officialiser, un autre avec une comédienne on va dire semi pro mais là aussi rien de sûr, on va en parler mais j’ai bon espoir que ces deux projets, dans l’année, soient beaucoup plus concrets, et pourquoi pas refaire un autre spectacle médiéval équestre et théâtral et là ne prendre que l’écriture et la mise en scène.

A : Cool, c’est très bien. Encore une question flash : tu fais aussi du coup beaucoup d’impro au festival médiéval.

KO : Oui j’ai un rôle récurrent à coté de ça, Kaspiche le bouffon, fou du roi.

A : Le fameux ! Tu vas le refaire cette année ?

KO : Alors c’est en discussion parce que c’est aussi un rôle important en lui même, moi j’ai pris ça « à l’improvisade » comme dirait Cyrano, une année où l’Académie n’avait pas de fou et j’étais parmi les bénévoles et j’ai pris le rôle, ça s’est fait comme ça. J’ai adoré ce rôle.

A : Les gens t’ont adoré !

KO : Voilà ça a bien marché, j’ai bien développé mais justement il a une vraie importance, c’est quand même un petit peu l’icône de cette association, il est sur le drapeau ; donc je pense que la question se pose de savoir si ce personnage doit devenir récurrent et auquel cas qu’il ait une vraie envergure. Quant à savoir si on me confiera le rôle, c'est à l’Académie d'en décider. Mais je pense que Kaspiche, ou en tout cas le personnage du bouffon peut être même pas forcément sous cette appellation a de beaux jours à la Tour de Termes et dans les Médiévales à venir.

A : Et j’ai une autre question flash pardon et il n’y a pas de transition. Dans deux, trois fiches que j’ai lues, ça disait qu’il faut être polyvalent dans le sens savoir chanter, danser et/ou faire de la musique, et j’ai trouvé ça pas faux, dans le sens oui bien sûr c’est un bonus, mais est-ce que c’est obligatoire, donc je voulais savoir est-ce que toi en tant que comédien, on t’a déjà dit « ah non mais monsieur vous ne chantez pas ?! »

KO : Non pas quand même, mais la formation comédien classique englobe du chant, de la danse, ça fait partie d’une formation normale de comédien, ça c’est un fait ; quand on s’attend à voir un comédien, il doit être capable de chanter et de danser ; si c’est du théâtre médiéval il doit connaître l’escrime, il doit avoir des notions de cascades. Ça fait partie un petit peu des prérequis. Après justement moi je pense qu’un comédien ça reste toujours un élève, un apprenti, est-ce qu’il doit dès la première audition, dès le premier casting, dès sa première prétention à un rôle être capable d’absolument tout faire, c’est une question que je laisse ouverte. Moi dans mon cas je suis incapable de chanter, voilà c’est un fait. Du coup je prends le parti inverse, je chante volontairement faux, ça donne un ressort comique donc quelque part je me dis que « bah oui moi aussi je sais chanter » ! En tout cas pour faire le spectacle en question ça marche![rires] C’est un plus, c’est un plus parce que encore une fois dans ce théâtre classique, il va souvent y avoir une chanson ou deux ou en tout cas des passages chantés et que les passages chantés sont souvent, forcément mis en valeur par les personnages principaux, donc il y a plein d’auditions, plein de castings où effectivement pour accéder à ces rôles il faut savoir chanter.

A :Quand j’ai vu ça, j’étais là « ah ouais, vraiment ?! », je trouve ça étonnant, je comprends la logique du truc de si tu sais chanter t’as plus de « potentiel » mais de là à ce que ce soit imposé je trouvais ça étonnant, mais je savais pas que c’était dans les enseignements de base.

KO : Dans la plupart des pièces, il y a des chansons.

A : On peut pas y couper !

KO : Après je sais pas, c’est pour ça que je te disais que j’étais peut être pas le bon exemple pour cet interview, moi je suis pas un érudit, je n'ai pas appris l’histoire du théâtre, je n'ai pas fait toutes ces études que tu es en train de faire, et c’est un vrai manque d’ailleurs ! Je ne sais pas d’où ça vient mais il y a peut être une origine populaire à ça, je veux dire quand les Zannis jouaient sur la place publique, la première Commedia Dell’Arte, oui je pense qu’ils chantaient aussi parce que vous êtes au milieu du marché et déjà le chant ça appelle du monde, ça porte plus ; donc il y a sûrement une origine, une explication, c’est pour ça que c’est souvent demandé. Après ça dépend aussi de ce vers quoi on veut se diriger, il y aussi tellement de théâtres différents, ça dépend du bassin dans lequel on veut œuvrer, soyons honnêtes aussi si on veut être comédien à Paris il faut avoir suivi un cours, pas forcément le cours Florent, mais il faut montrer le certificat comme quoi on a suivi des cours, sinon de toute façon on a même pas accès à l’audition. Donc ça dépend aussi de là où on veut travailler, ça dépend de beaucoup de choses, mais ce sera toujours un plus. Là encore je reviens à l’artisan, le plombier qui sait faire de la maçonnerie, de l’électricité, etc... quand il arrive sur son chantier et qu’il est embêté, il sait se débrouiller ; et bien le comédien quand il arrive et qu’au dernier moment il y a un problème ou quoi, il sait chanter, il sait danser, il va pouvoir trouver une solution plus facilement que celui qui ne sait pas faire.

A : Oui, je voyais mais le fait que ce soit dans les prérequis, ça me paraissait, déjà d’une certaine manière un peu réducteur parce que tout le monde ne sait pas chanter, il faut prendre des cours, ça s’apprend, faire de la musique n’en parlons pas, le solfège tout ça, je trouvais ça un peu fort de café de dire « il faut que tu saches chanter, il faut que tu saches faire de la musique » tout ça.

KO : Moi on m’a déjà servi, sache-le, « ah bon ? Et ça se dit comédien professionnel ? ».

A : Ah ouais !!! Ah c’est moche !

KO : Ça s’explique par ça. Donc il faut le savoir, ça fait parti des prérequis attendus.

A : Ah bah OK d’accord !!! Je note ! Eh bien écoute je crois que c’est bon, c’est quoi l’actu pour finir ?

KO : L’actu c’est Histoire Véridique de Robin des Bois le Comptable, un seul en scène dans lequel il y a une quinzaine de rôles, j’ai joué la première ce samedi [samedi 29 février 2020] à la Tour de Termes et j’espère bien faire tourner ce spectacle parce qu'il le mérite, le texte de Thierry Pochet est vraiment puissant et mérite d’être vu par plein de gens, c’est du vrai théâtre populaire pour le coup et ça vaut le détour d'après la centaine de premiers spectateurs de samedi soir.

A : Et je confirme aussi j’étais là ! Et bien écoute moi je pense que c’est bon Kemi, je vois pas d’autres trucs, de toute façon tu es assez bavard pour parler tout seul des choses et je te remercie grandement d’avoir accepté, d’avoir été aussi franc sur le métier, d’avoir devancé mes questions sans que j’ai a faire mon travail !

KO : Avec plaisir, merci à toi de m’avoir choisi pour cette interview même si encore une fois j’étais pas complètement dans les cases.

A : T’es pas dans les cases mais c’est pas grave le cœur y est, et même, de toute façon de base c’est pas facile d’être dans une case en tant que comédien donc à part si j’interviewe quelqu’un de la Comédie Française qui a un salaire régulier … Et je vais pas faire ça facilement non plus. Donc merci beaucoup ! Et à plus !

KO : Salut et bon vent !

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